Une vidéo volée accuse Gunvor de corruption au Congo / Les Nguesso’s -des voleurs nées

Un ancien directeur du groupe de négoce genevois a été filmé à son insu, en train d’évoquer le versement de pots-de-vin. L’entreprise est désormais formellement mise en prévention par la justice suisse.

Le géant du pétrole Gunvor affronte de nouvelles révélations concernant les agissements de ses agents au Congo. Un ancien directeur de la société genevoise a été filmé à son insu en train de détailler le versement de pots-de-vin à des dirigeants du pays africain. Cet enregistrement est désormais aux mains de la justice suisse, selon un rapport diffusé ce mardi par l’ONG Public Eye (ex-Déclaration de Berne).

Gunvor est désormais directement visée par le Ministère public de la Confédération (MPC) en vertu de l’article 102 du Code pénal, pour avoir échoué à prévenir la corruption en son sein.

Dans une déclaration écrite, l’entreprise indique que le MPC a «élargi son enquête pour inclure Gunvor SA et Gunvor International BV, à Genève, afin d’examiner d’éventuelles défaillances organisationnelles» qui auraient pu mener à des actes de corruption. Ce qui signifie, selon un proche du dossier, que la société est désormais mise en prévention, ou inculpée selon le vocabulaire traditionnel.

Entre 2010 et 2012, Gunvor avait obtenu 22 cargos de brut congolais pour une valeur de 2,2 milliards de dollars, et un profit estimé à quelque 110 millions de francs par Public Eye.

Depuis six ans, le MPC enquête sur le versement, en marge de ce contrat, de quelque 30 millions de dollars qui seraient parvenus à des officiels congolais. Avec une question clé: ces commissions ont-elles été mises en place par un employé indélicat, le business developper C., qui a été inculpé en Suisse pour «soupçon d’escroquerie», ou faisaient-elles partie d’une politique de corruption plus large, validée au plus haut niveau de l’entreprise?

Pour Public Eye, cette seconde version est la bonne. Gunvor «a fait appel à des intermédiaires dont elle ne pouvait ignorer le profil trouble, laissant ainsi les sales besognes – le paiement de commissions – à des individus destinés à faire office de fusibles en cas de problèmes avec la justice», affirme le rapport.

On était persuadé que ça partait majoritairement quelque part, que ça allait à qui de droit

Un ancien directeur de Gunvor, dans la vidéo volée

A l’appui de cette thèse, le contenu d’une vidéo réalisée au printemps 2014, probablement dans un palace parisien. Selon Public Eye, on y voit un ancien directeur de Gunvor, G., converser avec un Congolais présenté comme proche du fils du président Sassou Nguesso, et un intermédiaire français employé par Gunvor dans le pays.

Un extrait de la vidéo volée où un ancien directeur de Gunvor évoque le versements de pots-de-vin au Congo.  DR

«On versait des commissions, on pensait que tout se passait bien», explique G. dans l’enregistrement, selon la retranscription donnée par Public Eye. «Quand on les a payés [les intermédiaires locaux], on était persuadés que ça partait majoritairement quelque part, que ça allait à qui de droit. Et on ne pouvait qu’en être persuadés, comme on a eu des cargos, donc on pensait que tout se passait bien.»

Réponse du Congolais qui apparaît dans la vidéo: «L’argent n’est pas arrivé à bon port. Denis Christel [le fils du président Sassou] ne touchait presque rien.»

Négociations secrètes

Très bien réalisée, selon une personne qui l’a vue, cette vidéo a déjà été utilisée pour faire pression sur Gunvor. En juin 2014, les avocats de C., l’ancien «développeur» des affaires de la société au Congo, et d’un comparse français, lui aussi inculpé en Suisse dans cette affaire, ont tenté de faire retirer les plaintes déposées contre eux par Gunvor. En promettant que dans ce cas, la vidéo ne serait jamais diffusée.

Mais les négociations, menées par l’entremise d’un enquêteur privé genevois, Mario Brero, n’ont pas abouti. Et la vidéo sort aujourd’hui au grand jour.

Lire aussi: Inculpée pour avoir empoché l’argent de Gunvor

Le principal protagoniste de l’enregistrement, le directeur G., aurait lui aussi été inculpé en Suisse, ce que le MPC ne confirme pas. Selon Public Eye, il dit avoir été piégé et prétend que ses propos dans la vidéo étaient des paroles en l’air, qu’il a agi seul, sans mandat de sa hiérarchie, et qu’il n’y a eu aucun versement à des officiels congolais.

Sollicitée par Le Temps, Gunvor explique avoir licencié ce second cadre en raison d’activités «inappropriées» au Congo-Brazzaville. «Dès que nous avons entendu parler d’une vidéo censée révéler une conduite répréhensible de cet employé, Gunvor a immédiatement informé le MPC et conduit une investigation interne, explique la société dans une longue déclaration écrite. L’ancien employé a confirmé au MPC avoir agi de son propre chef, indépendamment de la compagnie.»

Gunvor assure s’être complètement retirée du Congo depuis ces incidents, et avoir développé des mécanismes stricts à l’interne pour prévenir tout acte de corruption. Elle maintient qu’elle ne savait rien d’éventuels versements de son développeur et de ses agents à des officiels congolais.

Enquête à Hongkong

On comprend mieux, à la lecture du rapport, pourquoi la justice suisse enquête sur cette affaire depuis si longtemps. Le procureur fédéral Gérard Sautebin a tenté de vérifier si onze Chinois, dont certains potentiellement liés au crime organisé, ont pu transporter une partie des commissions en liquide depuis Hongkong jusqu’au Congo. On ignore si le territoire autonome chinois a répondu à sa demande d’entraide. Le MPC ne se prononce pas en détail sur l’affaire, invoquant les «procédures en cours».

Les choses se précisent en revanche pour C. L’ancien développeur de Gunvor au Congo est accusé par l’entreprise d’avoir orchestré les versements corruptifs et d’avoir détourné plusieurs millions de commissions à son profit. Il affirme avoir agi sur mandat formel de sa hiérarchie, pour rétribuer des décideurs congolais. Il serait aujourd’hui prêt à être condamné dans le cadre d’une procédure simplifiée, mais uniquement «en tant qu’employé de Gunvor», une demande acceptée par le MPC, écrit Public Eye.

Selon son avocat Matteo Pedrazzini, «il a collaboré très ouvertement avec le MPC et il en est déjà le témoin principal, qui a aidé à percer le système mis en place par Gunvor».

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